DECOUVERTE DE L'ARTISTE
 
 
 

Analyse par Francis ParentLivre d'ArtisteBiographieRéflexions artistiques
 

 
Avec Philippe Messager,  inventer son propre monde

par Francis Parent
(Critique d’Art, membre de l’A.I.C.A. (1) )

A une époque où l’Art Contemporain ( l’ « AC » -assez !- comme l’écrit Christine Sourgins…) est devenu une gigantesque escroquerie, il est réjouissant de constater qu’il existe des artistes comme Philippe Messager  qui travaillent encore avec ce qui a toujours fait l’Histoire des Arts Plastiques : la Peinture, la Figure, le Sens. La Peinture, Messager en fait ; à l’huile, à l’acrylique, à la gouache et sur des supports qui vont de la toile classique au papier en passant par le bois ou  le carton (ses ondulations accentuant la sensualité des corps représentés), en grands et en petits formats. Mais il fait aussi de la sculpture (en terre cuite, en bois,…), de la gravure, du dessin, etc… Le dessin, qui a été sa passion dès sa plus tendre enfance (« au début était le dessin » comme aime à le dire l’artiste à l’unisson des paléontologues. A noter que ses reprises de petites sculptures des Cyclades, il les date, par exemple, de  2006 «  après Jésus Christ »,  tant  il se sent des affinités  avec celles d’il y a 4000 ans…). Le dessin qui amènera Messager à passer aussi par l’illustration à caractère publicitaire, le dessin humoristique et même la BD (il a déjà publié 5 albums !). Un dessin qui structure puissamment toutes ses compositions aux couleurs franches, compositions dans la lignée de ce qu’a été la « Figuration Narrative » des années 70/80 (Erro, Monory,…) puis la « Figuration libre » des années 80/90 (Combas, Di Rosa,…). Car oui, dans toutes ses peintures figuratives, Messager raconte des histoires, et avec une liberté de ton réjouissante. Souvent, une phrase simple mais percutante (voire parfois un texte bien plus long, Messager a toujours été passionné de littérature) écrite sur l'œuvre elle-même, induit le sens de lecture de celle-ci. Car oui, ces œuvres font sens, et si l’on a un smartphone avec l’application « flash code » il faut entendre l’artiste dans ce nouveau concept qui se nomme « l’Œuvre qui parle » (2), raconter longuement, pince-sans-rire, comment, par exemple, le « Canapé » qu’il a représenté dans l’un de ses tableaux, est indispensable dans l’histoire de l’Humanité depuis le silex jusqu’à la pizza en passant par Sigmund. En effet, toute l’œuvre de Messager est empreinte de joie de vivre et d’humour, ce qui est plutôt rare dans l’Art dit « contemporain ». Car si les artistes de cet Art se disent tous redevables de Marcel Duchamp, aucun d’eux n’a poursuivi dans la voie de la célèbre « Joconde » (1919) mise en moustache et sous-titrée « L.H.O.O.Q. ». Ce qui, pour un artiste franco-américain comme Duchamp pouvait se lire « REGARD » mais aussi… « Elle a chaud au cul » ! Messager ne va pas jusqu’à là, mais tout de même, chez lui, par exemple, une reprise du tableau de David, « Le serment des Horaces et des Curiaces » devient « Le serment des Voraces et des Coriaces » ; le titre d’un tableau de conquistador en morion devient « Ce con qui t’adore » ; ou bien encore, une adaptation d’une « Annonciation faite à Marie » montre que cette annonce n’a peut-être pas été réalisée par des voies bien mystérieuses mais par une lettre cachetée de la Poste… Et ici la Vierge ne le semble pas tant que ça !

On le voit, cet artiste qui se définit comme « artiste libre, réaliste et singulièrement néo-normal » va bien plus loin que les « 6 B » qu’il dit mettre systématiquement en scène (« Bonshommes, Bonnes femmes, Bagnoles, Bestioles, Babioles, Baratin »). A travers ses incursions dans l’Histoire de l’Art, la Mythologie, la vie quotidienne, par ses détournements, son humour, sa distanciation, Philippe Messager procède en fait à une analyse esthétique,  sociale et psychanalytique de notre monde actuel. Et du coup, aide ainsi le « Regardeur » qui, à son tour, entendra inventer son propre monde.
 
F.P.
Paris- Septembre 2014
 
(1) Association Internationale des Critiques d’Art
(2) www.oeuvrequiparle.com

 
 
 
 

Je suis né en 1954 quelque part au dessus de la Loire plutôt sur la droite.

A 6 ans, je me  déclare poète écrivain et ne tarde pas à illustrer des textes choisis. Néanmoins, gardant les pieds sur terre, mon rêve le plus fou de petit garçon est de devenir fermier avec vaches, moutons, cochons, lapins, poules et tout le tralala mais surtout les tracteurs.

En 1972, je m'inscris aux beaux-arts de Bordeaux où, malgré la forte empreinte conceptuelle d'alors, je réussis à apprendre les rudiments de la gravure et de la lithographie.

En 1977, la nécessité de réfléchir au long terme s'impose. Je quitte les beaux-arts et leurs divers ébats d'intellectuels névrotiques et pars en vacances dans les Cyclades, puis sur le lac d'Hourtin dans la marine nationale. Celle-ci refusant de m'héberger plus de trois semaines, j'envisage sans attendre une carrière de menuisier et passe avec succès un CAP "bois" en 1978. Enfin un diplôme!...

En 1979, j'envahis les territoires d'outre mer pour faire fortune en vendant aux touristes en mal de souvenirs des peintures très chics avec cocotiers et couchés de soleil.

De retour en métropole, fortune faite, j'embrasse tout un tas de carrières plus ou moins pittoresques et en 1986, je publie mon premier album BD. Trois autres suivront (à lire absolument) : "Laurette ou le cachet rouge" aux éditions LAVIELLE. Je m'amuse au dessin humoristique et inconsciemment verse sur la pente de l'illustration à caractère publicitaire.

En parallèle et sans arrière pensée carriériste, je m'adonne aux joies de la peinture à l'huile guidant de mon mieux bon nombre d'élèves assidus et hétéroclites fréquentant l'atelier du centre d'animation de Cambo les Bains au Pays Basque depuis 1986. En complément, je m'occupe au même endroit de l'atelier terre cuite qui me procure de grandes joies créatrices. Pendant ce temps à Biarritz, Ginou LARROUILH experte et convaincue, dynamise ma production vers un public averti dans sa galerie d'art contemporain.

En bref, ce qui me préoccupe le plus ici bas, envers et contre toute mouvance artistico cérébrale est de dessiner, graver, peindre ou sculpter de mes mains des bonhommes et des "bonne femmes". Je ne me suis jamais écarté de cette voie depuis mon premier "bonhomme têtard".


Philippe Messager


 

Réflexions artistiques
 

L'Art ce grand foutoir

Il y a ce que l’on appelle encore de l’art, il y a ce que l’on n’appelle plus de l’art, ce que l’on n’ose plus appeler de l’art, ce que l’on n’imagine même pas être de l’art et ce que l’on se demande si c’est de l’art ou du cochon au point même qu’une vache sacrée ni retrouverait pas son veau d’or.

Or, je ne peux m’empêcher de retourner dans ces grottes où un type, presque comme moi, un jour d’il y a plus ou moins 30 000 ans, a décidé de dessiner, presque comme moi, des bestioles sur une paroi abrupte, irrégulière, humide, difficile d’accès, mal éclairée, mal chauffée et surtout sans escabeau.

Je ne peux m’empêcher de refaire tout le trajet en passant par les petites Venus de la préhistoire, les idoles Cycladiques, les petites princesses de Bactriane, les taureaux de Cnossos, Paolo Uccello, Jérôme Bosch, Bruegel l'ancien, le Tintoret, Rembrandt, Millet, Picasso et tous les autres (je suis allé un peu vite mais je suis pressé) pour finir par trébucher sur l’urinoir de Duchamp et clôturer le XXème siècle en apothéose avec Boltanski.

En parcourant tout ce chemin je me demande à quel moment le dessinateur est devenu un Artiste et à quel moment être artiste est devenu un métier?

Par contre je situe à peu près quand l’artiste est devenu une imposture et encore plus précisément une imposture subventionnée et mondialisée. Depuis 68 (1900) nous sommes tous des Artistes. Je suis artiste... je suis artiste... je suis artiste.... Il suffit de le décréter en sautant sur sa chaise . On aurait tord de s'en priver.

En ce changement de monde, les types dans mon genre dont la base de leur «travail» est le dessin seraient-ils des reliquats d’artiste à bout de souffle, genre fin de race? Des imbéciles qui s’ignorent ou des raconteurs d’histoires authentiques et éternelles bien encrés dans leur temps?

En tout cas je me sens bien plus proche de mon prédécesseur pariétal aussi bien dans sa solitude créatrice, dans ses moyens d’exécution, dans son authenticité et ses motivations transcendantes que l'intello à deux balles qui remplit «d'installations» et de «performances» les prestigieuses biennales d'art contemporain à travers le monde. Intello qui n'a d'autre motivation que le fait d'interpeller, voire de déranger le soit disant conformisme du crétin basique. D'où l'apparition inévitable d'un snobisme de classe qui touche d'autres crétins qui pensent avoir tout compris de la géniale démarche si contemporaine.

A propos de contemporain, je ne fais pas du «Street art» (si, une fois, j'ai des photos) mais je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec le rupestre s'exprimant sur les murs de sa grotte. Pendant des milliers d'années on a fait du «Cave art».

Pour conclure et citer quelqu’un, Matisse a dit que le style vient avec la culture ce qui expliquerait peut-être le flottement que l’on observe depuis la dernière révolution culturelle qui avec ses «gardes rouges» a fait table rase du passé.

Un autre a dit aussi que la recherche de la nouveauté et de l’originalité est un besoin factice qui dissimule mal la banalité et l’absence de tempérament. Cet autre c'est Cézanne.
 

Dans le même esprit quelques citations qui me vont bien :

Le piège à éviter, c'est de se jeter dans le moderne. Tout le monde veut être moderne et, comme si ça ne suffisait pas, tout le monde veut être rebelle par-dessus le marché. Pour être au goût du jour, tout le monde cherche à grimper dans le train déjà bondé des mutins de Panurge. Jean d'Ormesson

Ne t'occupe pas d'être moderne, c'est l'unique chose que, malheureusement quoique que tu fasses, tu ne pourras pas éviter d'être et aussi, Seule la tradition apporte quelque chose d'original. Dali

A propos des œuvres contemporaines purement intellectuelles Luc Ferry à écrit récemment qu'elles ne répondent à aucun des critères qui constituent à mes yeux une œuvre d'art authentique: ni vision du monde, ni sens, ni beauté, ni géniale innovation.

Malgré les discours obscurs et pompeux qui les entourent d'ordinaire, ils m'apparaissent comme de simples marchandises portées par une triple logique: celle du snobisme, appuyée par la puissance mercantile du marché et les aberrations de l’État culturel.

Voila des propos auxquels je souscris totalement. D'autre part en citation artistique plus consensuelle j'ai relevé celle d’Ingres qui souligne l'importance du dessin en peinture; Toute la peinture est dans le dessin fort et fin à la foi. Également cette phrase de Picasso que j'aurais aimé prononcer et que je fais mienne; Au fond, je crois que je suis un poète qui a mal tourné.


Philippe Messager

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