Je suis né en 1954 quelque part au dessus de la Loire plutôt sur la droite.
A 6 ans, je me déclare poète écrivain et ne tarde pas à illustrer des textes choisis. Néanmoins, gardant les pieds sur terre, mon rêve le plus fou de petit garçon est de devenir fermier avec vaches, moutons, cochons, lapins, poules et tout le tralala mais surtout les tracteurs.
En 1972, je m'inscris aux beaux-arts de Bordeaux où, malgré la forte empreinte conceptuelle d'alors, je réussis à apprendre les rudiments de la gravure et de la lithographie.
En 1977, la nécessité de réfléchir au long terme s'impose. Je quitte les beaux-arts et leurs divers ébats d'intellectuels névrotiques et pars en vacances dans les Cyclades, puis sur le lac d'Hourtin dans la marine nationale. Celle-ci refusant de m'héberger plus de trois semaines, j'envisage sans attendre une carrière de menuisier et passe avec succès un CAP "bois" en 1978. Enfin un diplôme!...
En 1979, j'envahis les territoires d'outre mer pour faire fortune en vendant aux touristes en mal de souvenirs des peintures très chics avec cocotiers et couchés de soleil.
De retour en métropole, fortune faite, j'embrasse tout un tas de carrières plus ou moins pittoresques et en 1986, je publie mon premier album BD. Trois autres suivront (à lire absolument) : "Laurette ou le cachet rouge" aux éditions LAVIELLE. Je m'amuse au dessin humoristique et inconsciemment verse sur la pente de l'illustration à caractère publicitaire.
En parallèle et sans arrière pensée carriériste, je m'adonne aux joies de la peinture à l'huile guidant de mon mieux bon nombre d'élèves assidus et hétéroclites fréquentant l'atelier du centre d'animation de Cambo les Bains au Pays Basque depuis 1986. En complément, je m'occupe au même endroit de l'atelier terre cuite qui me procure de grandes joies créatrices. Pendant ce temps à Biarritz, Ginou LARROUILH experte et convaincue, dynamise ma production vers un public averti dans sa galerie d'art contemporain.
En bref, ce qui me préoccupe le plus ici bas, envers et contre toute mouvance artistico cérébrale est de dessiner, graver, peindre ou sculpter de mes mains des bonhommes et des "bonne femmes". Je ne me suis jamais écarté de cette voie depuis mon premier "bonhomme têtard".
Philippe Messager
L'Art ce grand foutoir
Il y a ce que l’on appelle encore de l’art, il y a ce que l’on n’appelle plus de l’art, ce que l’on n’ose plus appeler de l’art, ce que l’on n’imagine même pas être de l’art et ce que l’on se demande si c’est de l’art ou du cochon au point même qu’une vache sacrée ni retrouverait pas son veau d’or.
Or, je ne peux m’empêcher de retourner dans ces grottes où un type, presque comme moi, un jour d’il y a plus ou moins 30 000 ans, a décidé de dessiner, presque comme moi, des bestioles sur une paroi abrupte, irrégulière, humide, difficile d’accès, mal éclairée, mal chauffée et surtout sans escabeau.
Je ne peux m’empêcher de refaire tout le trajet en passant par les petites Venus de la préhistoire, les idoles Cycladiques, les petites princesses de Bactriane, les taureaux de Cnossos, Paolo Uccello, Jérôme Bosch, Bruegel l'ancien, le Tintoret, Rembrandt, Millet, Picasso et tous les autres (je suis allé un peu vite mais je suis pressé) pour finir par trébucher sur l’urinoir de Duchamp et clôturer le XXème siècle en apothéose avec Boltanski.
En parcourant tout ce chemin je me demande à quel moment le dessinateur est devenu un Artiste et à quel moment être artiste est devenu un métier?
Par contre je situe à peu près quand l’artiste est devenu une imposture et encore plus précisément une imposture subventionnée et mondialisée. Depuis 68 (1900) nous sommes tous des Artistes. Je suis artiste... je suis artiste... je suis artiste.... Il suffit de le décréter en sautant sur sa chaise . On aurait tord de s'en priver.
En ce changement de monde, les types dans mon genre dont la base de leur «travail» est le dessin seraient-ils des reliquats d’artiste à bout de souffle, genre fin de race? Des imbéciles qui s’ignorent ou des raconteurs d’histoires authentiques et éternelles bien encrés dans leur temps?
En tout cas je me sens bien plus proche de mon prédécesseur pariétal aussi bien dans sa solitude créatrice, dans ses moyens d’exécution, dans son authenticité et ses motivations transcendantes que l'intello à deux balles qui remplit «d'installations» et de «performances» les prestigieuses biennales d'art contemporain à travers le monde. Intello qui n'a d'autre motivation que le fait d'interpeller, voire de déranger le soit disant conformisme du crétin basique. D'où l'apparition inévitable d'un snobisme de classe qui touche d'autres crétins qui pensent avoir tout compris de la géniale démarche si contemporaine.
A propos de contemporain, je ne fais pas du «Street art» (si, une fois, j'ai des photos) mais je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec le rupestre s'exprimant sur les murs de sa grotte. Pendant des milliers d'années on a fait du «Cave art».
Pour conclure et citer quelqu’un, Matisse a dit que le style vient avec la culture ce qui expliquerait peut-être le flottement que l’on observe depuis la dernière révolution culturelle qui avec ses «gardes rouges» a fait table rase du passé.
Un autre a dit aussi que la recherche de la nouveauté et de l’originalité est un besoin factice qui dissimule mal la banalité et l’absence de tempérament. Cet autre c'est Cézanne.
Dans le même esprit quelques citations qui me vont bien :
Le piège à éviter, c'est de se jeter dans le moderne. Tout le monde veut être moderne et, comme si ça ne suffisait pas, tout le monde veut être rebelle par-dessus le marché. Pour être au goût du jour, tout le monde cherche à grimper dans le train déjà bondé des mutins de Panurge. Jean d'Ormesson
Ne t'occupe pas d'être moderne, c'est l'unique chose que, malheureusement quoique que tu fasses, tu ne pourras pas éviter d'être et aussi, Seule la tradition apporte quelque chose d'original. Dali
A propos des œuvres contemporaines purement intellectuelles Luc Ferry à écrit récemment qu'elles ne répondent à aucun des critères qui constituent à mes yeux une œuvre d'art authentique: ni vision du monde, ni sens, ni beauté, ni géniale innovation.
Malgré les discours obscurs et pompeux qui les entourent d'ordinaire, ils m'apparaissent comme de simples marchandises portées par une triple logique: celle du snobisme, appuyée par la puissance mercantile du marché et les aberrations de l’État culturel.
Voila des propos auxquels je souscris totalement. D'autre part en citation artistique plus consensuelle j'ai relevé celle d’Ingres qui souligne l'importance du dessin en peinture; Toute la peinture est dans le dessin fort et fin à la foi. Également cette phrase de Picasso que j'aurais aimé prononcer et que je fais mienne; Au fond, je crois que je suis un poète qui a mal tourné.
Philippe Messager